On trouvait partout des gymnases, des fontaines, des temples, des manufactures, des écoles… et le monde qui travaillait depuis toujours dans la maladie évoluait désormais dans la lumière de l’hygiène et de la santé publique. Les cités étaient éclatantes de splendeur et de grâce, et la terre entière ressemblait à un jardin ! (Aelius Aristide, 2ème siècle après J.-C.)
C’est par cette citation alléchante que commence le manuel d’utilisation du jeu. Mais du Capitole à la Roche tarpéienne, il n’y a souvent qu’un pas. Quelques lignes plus bas, nous lisons avec stupeur que nous sommes dans le 3ème siècle avant J.-C. et que, fondateur de ville ou gouverneur de province, nous avons à répondre de nos actes devant l’Empereur lui-même !
Voilà un anachronisme bien déconcertant ! Encore cette désinvolture américaine face aux bases les plus élémentaires de l’histoire européenne, a-t-on envie de s’exclamer. Telle a été du moins ma première réaction. Mais l’attrait du jeu et le curiosité l’emportèrent. J’essayai Caesar II.
Et malgré tout, dès le début ce fut un enchantement.
Ces maisons qui s’agrandissent au prorata du bien-être général d’un quartier, ces murailles et ces tours de guet, ces aqueducs transportant l’eau à travers la cité pour alimenter réservoirs et fontaines, ces marchés couverts, ces forums, ces basiliques, ce Cirque Maxime parfois noir de spectateurs qui s’agitent, cette animation dans les rues où, selon les circonstances, les paisibles citoyens peuvent se transformer un émeutiers, en pilleurs de trésor ou en incendiaires, bref tout contribue à nous plonger dans l’atmosphère majestueuse et trépidante de la Rome antique.
Les enfants de tous âges apprécient Caesar II. Ce CD-Rom parle d’autant plus à leur imagination que l’écran a commencé par être vide, et que les édifices qu’ils contemplent, la vie sociale qui s’y déroule, résultent de leurs décisions, bonnes ou mauvaises. C’est qu’il faut être bon gestionnaire ! Si l’on dépense sans compter, la ville accumule les dettes, et la partie est perdue (il n’y a, à ma connaissance, pas de code magique pour renflouer ses finances comme dans Sim City). Mais si l’on procède avec méthode, que l’on prévoit, en édile digne de ce nom, un bon approvisionnement en eau, un réseau routier efficace, de vastes espaces agrémentés de jardins pour flâner, de thermes pour se recréer ains que d’écoles et de bibliothèques pour s’instruire, et surtout si l’on se préoccupe des desiderata des citoyens (le logiciel permet d’interroger individuellement ceux que l’on peut voir déambuler dans la ville), alors c’est la prospérité, et bientôt une « promotion » permettant d’aborder un niveau de jeu plus difficile.
Caesar II peut-il se prêter à une exploitation pédagogique, ou les libertés prises par les auteurs, sur le plan historique, impliquent-elles qu’on ne doit le considérer que comme un jeu ? Pour répondre à cette question, il faut se demander quels pourraient être les élèves concernés. Si Caesar II était proposé dans le cycle de transition (5ème-6ème années), par exemple dans le cadre d’une aide à l’orientation permettant de tester l’intérêt des enfants pour l’Antiquité romaine, on disposerait d’un produit « toutes catégories », susceptible de procurer culture et délassement à des élèves de niveaux différents, et permettant aux plus ingénieux de développer leur esprit créatif et leur sens de la déduction.
Quant aux anachronismes et autres inexactitudes historiques, ils pourraient se révéler (paradoxalement) de nature à renforcer l’intérêt du produit ! Pourquoi, en effet, ne pas inviter les élèves à procéder à de petites recherches dans un ouvrage de référence, par exemple le dictionnaire Larousse de la civilisation romaine, pour contrôler la vraisemblance des situations rencontrées dans le jeu ? Par ce biais, le maître pourrait leur faire aborder, de façon très concrète, nombre de problèmes de la société antique. Par exemples: quel rôle y jouaient les plébéiens; quels étaient les différents services publics; quelles étaient les fonctions remplies par les temples, les collèges de prêtres; s’il existait, comme dans le jeu, des « camps de travail », et quels en étaient les travailleurs; en quoi consistaient les principaux divertissements; si l’Etat se préoccupait de la santé des citoyens, etc…
Ainsi, à partir de l’imagerie du jeu, pourrait être développée toute une stratégie pédagogique visant non seulement à faire acquérir des connaissances, mais aussi à développer l’imagination, la réflexion et l’esprit critique des enfants.
Félix Tuscher
(Article paru initialement en juin 1997 dans le Bulletin du Centre de documentation pour l’informatique scolaire 29, CADEV, Lausanne)
very interesting, but I don’t agree with you
Idetrorce