Ancienne place forte perchée sur une haute colline, le village de Bécherel connut son apogée aux 17ème et 18ème siècles grâce au commerce du lin et chanvre, ce qui lui vaut le label envié de « petite cité de caractère » de Bretagne. A la fin des années 1980, quelques passionnés se mobilisèrent pour faire revivre ces vieilles pierres autour d’un thème inédit dans le pays: le livre. Ce sont aujourd’hui pas moins de 15 librairies qui, toute l’année, animent de multiples manifestations et font de Bécherel (650 habitants) la 3ème cité européenne du livre ! C’est l’animatrice de la librairie Maître Albert, Mme Elizabeth Antebi, qui a eu l’idée d’y fêter le latin et le grec par ce premier Festival européen.
Vendredi 4 mars
A l’entrée d’une salle de patronage au charme désuet des années 50, les festivaliers découvrent toute une série de produits publicitaires aux noms grecs ou latins: Omega, Gamma, Nivea … ou d’illustres anciens mis au goût du jour: Socrate, Démosthène, Sophocle, Périclès, Platon, Aspasie. La salle se remplit rapidement de scolaires du pays de Rennes, de professeurs de lettres intrigués ou de nostalgiques de leurs humanités.
Le festival débute par un entretien filmé avec Jacqueline de Romilly (Académie Française) ardente défenseur de la présence du latin et du grec dans les programmes scolaires et un flash-info de Patrick Poivre d’Arvor donnant les dernières nouvelles de l’année 429 av. J.-C. en Grèce antique. Puis 4 élèves d’un collège voisin jouent, dans le texte, l’Aulularia (La Marmite) de Plaute qui a inspiré L’Avare de Molière.
Graf von Rothenburg (Rubricastellanus), traducteur sur plus de 40 ans de 22 Astérix en latin et qui a mis en bandes dessinées le Bellum Helveticum de César et Les Métamorphoses d’Ovide clôture cette matinée par une très attendue séance d’autographes.
En après-midi, un élève de khâgne (classe préparatoire aux grandes écoles) récite des textes grecs et latins. Son intervention, remarquée, est suivie d’un surprenant défilé de mode organisé par des chercheurs passionnés: le costume du prêtre Salien, celui du sénateur, le costume celte qui se transforme à la période gallo-romaine, le costume de la matrone ou de la vestale.
Une discussion s’instaure alors avec la salle à propos du latin langue vivante européenne. On y évoque Pierre Desproges et les Pages roses (extraits lus), Raymond Queneau et ses Exercices de style, Sapho la plus traduite des poètes grecs par les poètes français.
Les participants sont alors invités à mettre à profit la pause pour rendre visite aux librairies de la cité du livre. En fin d’après-midi, Jacques Lacarrière, traducteur des poètes grecs, auteur de nombreux livres et poèmes, dont le Dictionnaire Amoureux de la Grèce antique, Au coeur des mythologies et Dans la lumière antique livre une intense réflexion sur la présence du grec dans notre quotidien. « Nous parlons tous frangrec » devait-il conclure en une intervention qui pour beaucoup de présents sonne comme un testament, au moment où nous regrettons sa disparition.
Cette première journée se termine par un spectacle. En première partie Jacques Lacarrière et Sylvia Lipa lisent des textes anciens. Puis Angela, chanteuse grecque, intervient sur des poèmes grecs traduits par Jacques Lacarrière. Ce sont enfin des chants ancestraux de l’âme grecque interprétés par Yannis Vlachos (bouzouki, oud, guitare), et Dimitri Daskalothanassis (flûte, guitare, percussion).
Samedi 5 mars
En matinée, c’est Anne de Leseleuc, de l’Ecole du Louvre, qui vient parler de son héros Marcus Aper, véritable Hercule Poirot du monde romain ainsi que de plusieurs autres de ses ouvrages dont Vercingétorix et Le Secret de Victorina. En après-midi, Hubert Monteilhet, auteur de Neropolis vient dire tout le bien qu’il pense de son héros: « Néron poète, un brave garçon qui a mal tourné ». Puis Simone Bertière défend avec passion son ouvrage: Apologie pour Clytemnestre. S’ensuit en débat intitulé: « Peut-on romancer l’Antiquité ? » Etat des lieux du latin et du grec dans les domaines d’Internet, des multimédias, de la littérature… Echanges avec les spectateurs sur l’importance du latin et du grec au sein de l’Europe, et de leur intérêt économique.
Soirée gréco-latine: buffet/banquet à la Apicius – d’après le livre du cuisinier Renzo Pedrazzini sur les recettes d’Apicius (CNRS Toulouse). Le banquet fut animé d’un nouveau défilé de mode (robes et bijoux) à l’antique, orchestré par Danièle Chastenet et son équipe de « reconstituteurs ». Pour finir la journée, bal grec: bal où les hommes portent un élément de costume de Romains célèbres, de Romulus à Caracalla et les femmes, de Grecques célèbres, d’Aspasie à Phryné. Tous les participants disposaient d’un petit « signe » de reconnaissance grec ou romain. Angela et ses deux compatriotes musiciens retrouvaient un public conquis.
Dimanche 6 mars
Ce dimanche, les diverses animations se tiennent dans les librairies:
- discussion avec Guillemette Goar, artisan qui a relié Parménide et d’autres grands ouvrages grecs, sur le thème des reliures « à la grecque »;
- conférence de François Perego: « Auteurs anciens et peinture dans le monde gréco-latin » (Office du tourisme);
- discussions informelles dans les librairies autour d’ouvrages, avec des professeurs et membres de la CNARELA et d’autres associations;
- intervention de Danièle Chastenet et de son équipe de « reconstituteurs »;
- participation d’Angela à propos de son spectacle sur Homère.
L’animatrice inlassable de cette manifestation Mme Antebi devait alors solliciter les suggestions du public sur le Festival de l’an prochain dont le thème sera: « Musique, opéra et Antiquité classique ». L’après-midi était consacré aux dédicaces d’auteurs: Simone Bertière pour Apologie pour Clytemnestre (Ed. de Fallois), Anne de Leseleuc pour sa série des Marcus Aper en 10/18 Grands détectives, Joël Brulé, Jacques Lacarrière (auteur de L’été grec et du Dictionnaire amoureux de la Grèce antique) et Pascal Charvet, inspecteur général d’Académie, auteur du Dictionnaire d’Alexandre. Tandis qu’une présentation de livres sur l’Antiquité se tenait dans les librairies de Bécherel.
Comme on le voit, cette première manifestation était d’une variété, d’une richesse absolument étonnantes. Nul ne pouvait en douter, le latin et le grec, langues antiques, sont plus vivantes que jamais. Ce sont donc des festivaliers comblés d’avoir ainsi actualisé leur passion qui se promirent de revenir l’an prochain.
Henri Lemoine
foncez voir ce groupe gréco-français chantant les fragments d’Héraclite en grec ancien !!!
http://www.myspace.com/heraclite