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Les J.O. d’Athènes, un an après

Les J.O. d’Athènes, un an après Posted on 1 décembre 20052 Comments

Les Jeux Olympiques qui se sont déroulés dans la capitale grecque il y a une année auront bouleversé la physionomie d’Athènes. La ville s’est dotée à cette occasion des infrastructures indispensables à toute métropole européenne qui lui faisaient encore défaut: un réseau de métro a été conçu, un nouvel aéroport international construit, les transports publics urbains améliorés, des autoroutes périphériques tracées, des zones piétonnes créées. Les travaux d’aménagement accompagnant l’organisation des épreuves sportives (qui n’ont malheureusement touché que la ville d’Athènes, accentuant encore davantage la centralisation extrême du pays) ont également eu des répercussions sur les sites archéologiques athéniens.

Et l’Antiquité dans tout ça ?

Si la construction du nouveau musée de l’Acropole et le programme de restauration du Parthénon n’ont pu être terminés à temps pour l’ouverture des J.O. comme initialement prévu, une très agréable promenade archéologique a été dessinée, permettant aux visiteurs de rejoindre à pied les principales curiosités du centre-ville (Acropole, Agora, Pnyx, Colline de Philopappos, Céramique) sans être dérangés par le trafic automobile. La muséographie du Musée national n’a quant à elle été que très légèrement rénovée (salles consacrées à Mycènes), mais les expositions du Musée du Céramique et du Musée byzantin et chrétien ont été entièrement remaniées.

Une des initiatives les plus remarquables dans le cadre de ce réagencement des vestiges archéologiques dans le tissu urbain est l’exposition permanente – dans les stations mêmes où ils furent mis au jour – d’objets archéologiques trouvés lors des travaux de construction du métro athénien: on est donc amené, en prenant le métro, à côtoyer des moulages des frises du Parthénon, à contempler une stratigraphie ou encore à admirer des sépultures et des amphores. Cette présentation didactique de vestiges suggère aux visiteurs, et aux Athéniens eux-mêmes, que les musées ne sont pas les seuls réceptacles du patrimoine.

Au-delà de la révélation de cette ville souterraine qu’est l’Athènes antique, le déroulement des J.O. à Athènes a permis à la Grèce de proclamer au monde entier l’éclat de la civilisation classique. Les diverses mises en scène élaborées par les organisateurs (spectacle de la flamme à Olympie, tableaux mythologiques de la cérémonie d’ouverture, remise de couronnes aux vainqueurs) avaient pour ambition de montrer que la venue des Olympiades dans la mère patrie n’était qu’un juste retour des choses. Aux yeux du public étranger autant que du public grec, l’illusion était parfaite: une seule Grèce, intemporelle, avait jamais existé sans discontinuité depuis l’Antiquité. Les (télé)spectateurs étaient confortés dans les images stéréotypées que la Grèce renvoie d’elle-même à l’étranger.

La très forte conscience que les Grecs ont de leur brillant passé, et qui se manifeste notamment à travers le mouvement olympique, tranche avec le désintérêt dont font souvent preuve le reste des Européens envers la culture classique. Mais la Grèce doit-elle nécessairement servir de modèle en matière de mise en valeur du patrimoine et de la culture antiques ?

L’attachement que la Grèce contemporaine nourrit envers l’Antiquité est affaire de patriotisme. Au début du 19ème siècle, à la fin de la « turcocratie » (comme on la nomme en Grèce), l’identité nationale grecque moderne fut composée en ravivant – par-delà l’héritage byzantin et ottoman – des traits issus de l’Antiquité classique. Cet effort fut soutenu par les puissance occidentales désireuses de ressusciter la Grèce classique qu’on ne connaissait plus, en Europe de l’ouest depuis la Renaissance, que par l’intermédiaire des auteurs antiques. Cette reconstruction d’éléments culturels antiques toucha tous les domaines: la langue (création d’une langue savante, « pure », proche du grec ancien), l’architecture (style néo-classique), les institutions (noms tirés des institutions grecques antiques), la littérature (motifs mythologiques dans la littérature néo-grecque), l’éducation (enseignement du grec ancien et de l’histoire antique).

Convaincus d’une intime proximité avec leurs ancêtres, les Grecs d’aujourd’hui entretiennent ce souvenir dans une lecture unitaire de l’histoire de leur pays. Ce lien à l’Antiquité prête parfois à sourire, lorsqu’on assure que les Grecs ont inventé l’écriture, que toutes les langues du monde découlent du grec ou que les philosophes grecs ont les premiers créé les sciences et la civilisation. Le recyclage de l’Antiquité est, en revanche, moins anodin lorsqu’il sert des intérêts politiques et nationalistes, où il s’agit d’affirmer la suprématie de la civilisation hellénique ou de soutenir des revendications territoriales.

Omniprésente en Grèce (et les J.O. n’ont, dans ce sens, fait que mettre en relief un phénomène ordinaire), la référence à l’héritage antique y est souvent galvaudée: ici réduite au rang de denrée commerciale à usage touristique, là récupérée à des fins politiques, au mieux présentée comme symbole de ralliement idéalisé, la connaissance de l’Antiquité s’en retrouve instrumentalisée.

La situation en vigueur en Grèce pousse à nous interroger sur le bien-fondé et la finalité de l’évocation du passé dans nos sociétés contemporaines. Si l’Europe, au moment de dessiner les contours d’une identité culturelle et politique commune, tient à se réclamer de l’Antiquité, elle ne pourra faire l’économie d’une telle réflexion: quel sens veut-on donner à l’héritage antique ? Quel rôle souhaite-t-on assigner à cette référence identitaire ? Est-il nécessaire de lui trouver une utilité pratique en dehors d’un strict intérêt culturel, qu’il importe néanmoins d’alimenter ?

Dans cette tâche de redéfinition du passé en constante mutation, il est à espérer que l’Europe sache reconnaître l’importance de la culture gréco-romaine, mais de manière non exclusive. L’Antiquité est certes un pilier de la civilisation européenne, mais à part égale avec d’autres périodes de son histoire, comme le christianisme médiéval, la Renaissance ou les Lumières. Malgré l’engouement provoqué par les J.O., la vénération et l’idéalisation de l’Antiquité ne peuvent tenir lieu de système de valeurs et la simple évocation du passé – aussi glorieux qu’il semble avoir été – ne peut remplacer un projet politique. Cet examen de conscience effectué, il restera alors à l’Europe à surmonter un écueil qu’elle n’a jusqu’à présent jamais pu ou voulu franchir: réussir à affirmer sa culture et son caractère propres sans prétendre en faire une norme supérieure à imposer au reste du monde.

2 comments

  1. Ce magnifique endroit qui m’emerveille de plus en plus chaque jour est le fruit de ma passion, Une passion qui m’est venue grace à la beautés de ses monuments totalement detruit mais cela ne compte guere. Athenes et ses jo restent dans ma memoire à tout jamais. A quand les jo à DEYME ? sale egoiste !!!

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