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Une nouvelle discipline universitaire: Tradition classique

Une nouvelle discipline universitaire: Tradition classique Posted on 27 juin 2007

Le paysage universitaire romand des sciences de l’Antiquité a été marqué pendant cette année académique 2006-2007 par la création à l’Université de Lausanne d’une nouvelle discipline intitulée « Tradition classique », à l’initiative de Danielle van Mal-Maeder, professeure de latin, et de David Bouvier, professeur de grec.

Ce projet ne se veut pas comme une version « light » d’un enseignement des langues anciennes (le latin et le grec restent des branches enseignées à part entière), mais bien comme une nouvelle approche d’un aspect encore peu exploré de notre rapport au monde antique, la transmission de l’héritage gréco-romain au travers des siècles et l’usage qui en a été fait. La naissance de la nouvelle discipline a été marquée à mi-novembre 2006 par un colloque inaugural et une table ronde qui permettaient de se faire une première idée des ambitions de Tradition classique ainsi que du climat intellectuel dans lequel elle va évoluer.

Quelques sujets tirés du programme du colloque inaugural permettent de se faire une idée des perspectives offertes. Il est tout d’abord frappant de constater le nombre de disciplines qui peuvent être appelées à collaborer dans le cadre de Tradition classique. En effet, une bonne partie des branches enseignées à la Faculté des lettres étaient concernées. Que l’on juge plutôt: littérature antique, littérature médiévale française, littérature anglaise, histoire de l’art, histoire de la médecine, philosophie, linguistique, littérature comparée, théologie, histoire des religions, théâtre contemporain, bande dessinée ! Il manque peut-être encore l’histoire du cinéma, où le genre du péplum est pourtant bien illustré, mais c’est dire si l’Antiquité est partout. Il est ainsi possible, par exemple, d’étudier les récupérations de la figure d’Enée dans la littérature médiévale française, la réflexion sur le sens du mot oeke ou encore l’opposition entre les bandes dessinées Alix et Astérix.

Quant à la table ronde, elle réunissait diverses personnalités des arts et de l’enseignement, en particulier Claude Calame, professeur de grec à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Paris), Isabelle Rüf, journaliste au quotidien Le Temps, Laurent Flutsch, directeur du Musée romain de Vidy et humoriste. Le débat a tourné autour de quelques questions comme: comment entre-t-on en contact avec la culture grecque et latine ? Pourquoi s’y intéresse-t-on ? Quel est l’apport de cette culture aujourd’hui ?

Plutôt qu’un compte-rendu exact de la table ronde, il m’a paru plus intéressant de souligner certains points du débat, démarche bien sûr plus subjective, mais grâce à laquelle il me semble que l’on peut dégager deux séries de constatations. Les premières ont trait à l’enseignement du latin et du grec: on relèvera tout d’abord la distance qui sépare la situation du latin il y a quelques décennies et aujourd’hui: plusieurs intervenants à qui on avait demandé pourquoi ils avaient étudié le latin ont répondu fort honnêtement qu’ils n’avaient pas eu le choix. Avec la modification du système scolaire, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Par ailleurs, à plusieurs reprises, on a eu l’occasion de dénoncer l’instrumentalisation dont sont victimes les langues anciennes qui sont prises dans le débat entre partisans et adversaires des réformes scolaires.

L’autre élément intéressant est la diversité des approches, qu’il s’agisse du théâtre contemporain (Elfriede Jelinek, prix Nobel de littérature 2004, a ainsi réécrit Les Perses d’Eschyle), de l’anthropologie ou encore de l’ethnologie. Le musée romain de Vidy offre à cet égard un bel exemple de ce que l’on peut faire en interprétant les éléments du passé à la lumière du présent. Bref, la culture gréco-romaine est une voie d’étude féconde.

Bien sûr, la multiplicité des pistes de lecture ne saurait impliquer que l’on peut faire l’économie de l’apprentissage de la langue, mais il est certain aussi qu’il y a un équilibre à trouver entre plusieurs facteurs, à savoir le public actuel, qui ne réagit plus comme il y a encore vingt ans, les impératifs de la maîtrise ou du moins de la connaissance des langues, la nécessité de maintenir un enseignement des langues anciennes dans un contexte de plus en plus difficile.

Il faudra sans doute attendre encore quelques mois, voire quelques années avant de savoir si le pari est réussi et si le succès est au rendez-vous. Bien sûr, nous espérons que Tradition classique permettra de répondre à une attente des étudiants et qu’elle saura trouver son public, afin de démontrer une fois encore la richesse des possibilités offertes par l’enseignement de la culture gréco-romaine.

Christophe Schmidt