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Alexandre d’Oliver Stone

Alexandre d’Oliver Stone Posted on 1 mars 20052 Comments

Il n’est guère étonnant qu’Oliver Stone soit intéressé depuis toujours par Alexandre le Grand. Il a déjà consacré plusieurs films à des figures de pouvoir (JFK, Nixon), et s’est replongé à deux reprises dans ses souvenirs de soldat (Platoon, Né un 4 juillet). Alexandre semblait un tel passage obligé qu’on peut deviner l’impétueux cinéaste embarrassé, voire intimidé par le sujet.

Ce ne serait pas la première fois qu’Alexandre le Grand pose ce genre de problème. De son vivant déjà, il se doutait qu’il ne trouverait pas un chantre à sa hauteur. Plusieurs auteurs antiques (Arrien, Quinte-Curce, Plutarque…) lui ont consacré
un texte, mais aucun ne connut la fortune d’Homère ou de Virgile.

Le cinéma, quant à lui, n’a pas été très productif. Le film de Rossen (1955) s’attardait beaucoup sur la conquête de la Grèce et semblait s’épuiser lui-même dans la seconde partie. Conscient du problème, Stone s’est concentré sur trois tableaux: l’enfance, la découverte de l’Orient, et le déclin. A la vision de son film, on se dit parfois qu’une trilogie aurait été préférable à cette compression, et aurait rendu justice aux multiples thèmes abordés.

Quel angle choisir, en effet, pour raconter en trois heures une histoire aussi riche ? La grande pompe ? la psychanalyse ? le drame gay ? Il y a un peu de tout cela dans Alexandre, et cette absence de choix véritable fait peut-être la faiblesse du film, mais prouve au moins que Stone a des choses à dire, à l’image de ce Ptolémée qui sert de narrateur. Filmer un vieillard en train de tourner en rond dans son palais en marmonnant n’a rien de très cinématographique, mais la multitude et l’intérêt de ses commentaires (« les rêveurs sont épuisants ») nous montrent à quel point le sujet a pu hanter le cinéaste.

Quoi qu’il en soit, quand il s’agit d’en mettre plein la vue, Stone se pose bien là. Ses deux batailles font passer pour ridicules celles de la version de 1955.

A Gaugamèles, les vues d’avion (ou plutôt d’aigle), laissant enfin percevoir l’ampleur du combat et la disproportion entre les effectifs macédoniens et perses, alternent avec de (très) gros plans de visages ensanglantés et d’étripages qui restituent comme rarement l’horreur guerrière. Peu de péplums montrent l’après-bataille, comme cette plaine de Gaugamèles jonchée de cadavres déchirés par les vautours, et le vainqueur fondant en larmes après avoir achevé l’un de ses hommes.

Le plan de l’aigle cité plus haut n’est pas innocent. Un rapide flash-back ramène à une scène d’enfance où Philippe racontait à son fils des épisodes mythologiques représentés sur les murs d’une grotte, dont celui de Prométhée. L’aigle survolant Gaugamèles apparaît ainsi comme l’image funeste du sort réservé à l’homme qui osa dérober le feu aux dieux pour le livrer aux hommes, et doit assumer les conséquences de son péché d’ubris.

La seconde bataille, celle de l’Hydaspe, est filmée dans un cadre et un style très différents: Elle prend place dans une forêt qui rappelle irrésistiblement le Vietnam et dénote une confusion qui n’a rien à voir avec les plans plus lisibles de Gaugamèles. Lorsqu’Alexandre est touché par une flèche, son regard se brouille et une sorte de voile rouge recouvre la forêt, rappelant les images blanchies, presque effacées, du dernier combat de Platoon. Stone, pour la bataille de l’Hydaspe qui fut une boucherie, a préféré styliser.

On a reproché à ce film son classicisme, mais on peut remarquer d’incessants petits jeux de montage, comme ces inserts très rapides, quasi psychédéliques, d’images parentales à des moments-clés de la vie d’Alexandre: apparition d’Olympias, la mère, en pleine nuit de noces, et de Philippe, au moment du meurtre de Kleitos, sorte de substitut paternel. « Fuck the mother, kill the father »: le metteur en scène des Doors a bien retenu la leçon. Il confronte Alexandre à ses démons, le montre dans sa sexualité sans voile, ou presque, tant dans l’amitié amoureuse qu’il entretient avec le doux Hephestion que dans le combat de chats sauvages qui l’oppose à Roxane. « Tu n’as pas la moitié du caractère de ma mère », lui lance-t-il… Alexandre ne s’affranchit pas de ses parents, reprochant à sa mère de lui avoir « volé » le meurtre du père, longue scène rejetée en fin de film, pour bien en souligner l’importance.

Cette composante psy est l’un des nombreux griefs adressés au film. On peut en effet regretter la bâtardise des dialogues, hésitant entre les célèbres citations de Plutarque (« Voyez mon père, qui veut conquérir l’Asie mais qui n’est pas capable de passer d’une couche à une autre ») et des répliques qui auraient leur place chez Woody Allen (« Ma mère me fait payer cher son hospitalité de neuf mois ! »).

Autre « anachronisme » moins amusant et même fortement déplaisant: les synthétiseurs de Vangelis qui ont l’art de plomber les meilleurs moments et de faire retomber la tension. Entre les choeurs éléphantesques pour les triomphes et la musique d’ascenseur pour les moments intimes, Vangelis n’a vraiment pas su, à notre avis, coller aux images. C’est d’autant plus dommage que dans les scènes de bataille notamment, les sons naturels avaient un impact bien suffisant, comme celui des sarisses, lances géantes vibrant sous le vent, ou celui, glaçant, des faux fixées aux chars perses.

Alors que Vangelis était curieusement épargné par la critique, les comédiens ont été souvent incendiés, et même nominés aux razzie awards, « prix » décernés aux pires acteurs de l’année ! Il nous semble toutefois que tant Colin Farrell qu’Angelina Jolie (Olympias) ont apporté à leur rôle l’engagement et le brin de folie qu’il requérait. On se souviendra longtemps du regard habité de Farrell, de ses harangues désespérées et de ses crises de larmes. Quant au fameux accent inventé par Angelina Jolie, il convient finalement assez bien à la barrrbarrre princesse molosse.

Leonardo Di Caprio et Nicole Kidman sont prévenus: on les attendra au contour, pour autant que Baz Luhrman mène à bien son projet concurrent. On le souhaite, tant les péplums commencent à alimenter les discussions, les polémiques, et réveiller l’intérêt d’une part du public pour l’histoire ancienne.

2 comments

  1. Ce film était un véritable NAVET!
    La personnalité d’Alexandre est bafouée: il est présenté comme un être faible, obsédé, philosophe…
    La relation qu’il entretient avec Hepeastion dans le film est fausse historiquement (seul Ellien, réputé pour ses erreurs, fait une rapide supposition), tout comme celle d’Achille et de Patrocle.
    Il ne se rattrape pas sur ses scènes de batailles pathétiques.

    De plus, le film est lent, mais lent! Je suis un « fans » d’histoire de la Grèce antique et tout particulièrement d’Alexandre, mais je n’ai pas pû m’emêcher de m’ennuyer!

    Je m’adresse aux cinéphiles tout comme à ceux qui sont passionés de l’épopée d’Alexandre le Grand: ne regardez pas ce film!

  2. Nul, vraiment nul.
    Il possède quelques avantages:
    -quelques beaux décors,
    -des costumes respectueux de l’époque,
    -une musique correcte,
    -des allusions à la mythologie grecque,
    -des allusions à l’histoire d’Alexandre….
    mais, justement, ce film ne retrace pas l’histoire d’Alexandre, mais quelques moments seulement, et les plus ennuyeux: sa jeunesse, avec sa mère et son père, la bataille de Gaugamèles, le temps qu’il a passé à Babylone, la bataille de l’Hydaspe, et …. sa mort!

    Tout ça en oubliant les épisodes « entre », bien sûr: ce film aurait dû être un film épique, un film d’aventure: ce n’est plus qu’une « histoire de famille », banale et ennuyeuse, car elle ne se concentre pas sur la guerre, mais la vie privée d’Alexandre;
    celle-ci est d’ailleurs très très mal rendue: Stone a essayé de faire d’Alexandre le personnage flou, imprévisible, complexe qu’il était: est-ce une raison pour le faire passer pour un être faible, perturbé, toujours triste, et en plus amoureux de son meilleur ami! Celui-ci (Hepheastion), d’ailleurs, est également très mal représenté: un être faible, comme Alexandre, niais, triste…. Ce film déshonore donc Alexandre, Hepheastion, et même Achille et Patrocle!
    Stone a choisi de filmer les moments entre les guerres: ils n’étaient pas du tout, du tout comme ça; Alexandre passait son temps à faire la fête, et pas à jouer aux hommes à problèmes et perturbés!

    Donc: des longueurs, pas assez d’action, des moments pauvres et inintéressants, Alexandre bafoué: vraiment nul.

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